Le bureau de la vie scolaire a à peu près la même contenance que deux armoire collées. C'est petit, mais suffisant. Un petit bureau pour le surveillant, deux casiers pour qu'il puisse ranger ses affaires, les plannings des professeurs, les élèves à surveiller, etc ... Tout est là. Affalé sur une chaise, Noctis soupirait, l'air plus sombre et renfermé que d'habitude. Aujourd'hui, ce n'est pas vraiment le moment de l'énerver. Aujourd'hui, il y a 23 ans, Noctis à vu le jour. Aujourd'hui il y a 17 ans, la vie de Noctis à pris un tournant terrible. Les jambes allongés devant lui, sous le bureau, un bras sur le genou, l'autre soutenant son visage, Noctis fixait le vide. A travers ses yeux vitreux apparaissent trois visages. Celui de sa mère, belle rousse aux taches de rousseurs enfantines, mais si gracieuse et si fine, un peu troublante par son regard bleu délavé ... Son père, aux cheveux noirs corbeaux, toujours en bataille, ses yeux vert bouteille pétillant de malice et fierté ... Son frère, le portrait craché de son père, sauf pour quelques taches de rousseur éparses ... Et Noctis. Cheveux noirs bleutés, yeux azurs et peau pâlichonne, semblant toujours malade. Un anniversaire raté. Détruit par trois hommes. Noctis seul survivant ... Première transformation volatile ... 14 années de vol en tant que corbeau ... Retrouvailles avec un vieil oncle ... Départ de la maison victorienne ... Et arrivée ici. La main ballante sur son genou se serra en poing. Les yeux du surveillant se fermèrent, retenant des larmes de rage. Il fallait qu'il oublie ... Tout. Mais comment oublier ses racines ? Dans un soupire, Noctis rouvrit les yeux, reprit contenance. On avait frappé à la porte de la vie scolaire. Retournant à sa tache - vérifier les élèves qui devait être sanctionné - le jeune homme se pencha sur le bureau, marmonnant un "Entrez" assez peu aimable, signe que l'agacer était une très très mauvaise idée ...

- Bonjour ... Heu, on m'a dit de monter ... Un pâle sourire aux lèvres, Noctis releva le nez de son travail. Autant rester énervé sur soit même, les autres n'ont rien fait ...
- Qu'y a-t-il ? C'est la bagarre ? Eh oui, les vitres ne sont pas en doubles vitrages. Ainsi, c'est très simple d'entendre ce qui se passe juste de l'autre coté du fin mur ... Se laissant aller contre le dossier de la chaise, Noctis observait l'étudiante.
- Dis moi ton nom et explique moi ce qui s'est passé. Sa voix n'était pas dure, mais simplement neutre, un peu encourageante. Un doigt près du bouton qui contrôlais le haut-parleur, Noctis s'attendait à devoir appeler l'autre belligérante de la bagarre. Ou peut-être même son collège, qui les a interpellé. Le jeune homme écouta la lycéenne, songeur. Parfois observant la jeune fille, puis la fenêtre, ensuite le micro, encore la jeune fille ... Une envie d'envol fourmillais dans ses membres, mais Noctis se retenais de se transformer en corbeau. Il avait pris un peu de retard, et se devait de le rattraper.

L'étudiante mis un moment à s'assoit sur la chaise de l'autre coté du bureau.
-Je suis K. Souen Anju, cette espèce de blondasse a commençai à m'insulter et je n'ai pas aimer alors je lui est mis mon poing dans sa figure ... Y'a rien de plus simple ... Après un de vos collègue m'a retenu pour pas que je lui fasse l'autre œil et j'ai fini par me calmer ...
-Enfin ... Avant de me calmer j'ai ... Cracher a ses pieds ... J'crois bien que c'est ça qui n'a pas plus à votre collègue ... Le tout d'un ton moqueur, un petit sourire aux lèvres. Effectivement, ça n'a pas du plaire. Noctis soupira, griffonna quelque chose sur un papier qu'il classa.
- Bon, pour le peu de sang-froid dont tu as fait preuve et ton arrogance avec le surveillant, tu n'auras qu'une heure de colle. Mais celles qui t'ont interpellées auront autre chose. Tu sais qui s'était ? Noctis eut à peine le temps de finir sa phrase que la porte de bureau s'ouvrit en grinçant, comme parfois. Dans l'embrasure se tenait la personne que Noctis aurait voulu rencontrer en d'autres circonstances qu'en compagnie d'une autre lycéenne: Aya. L'arme à bout de bras, elle visait Noctis et la jeune Anju, qui persifla. Noctis se leva, fixant le canon. Anju se pensait invulnérable, peut-être l'était-elle, mais Noctis, lui, ne l'était pas.
- Aya, qu'y a-t-il ? A en juger par les quelques taches de couleurs dans ses courts cheveux blonds en bataille, elle sortait de la salle d'art plastiques ... Mais Noctis ne s'attarda pas dessus, se concentrant plutôt sur le canon pointé sur lui et l'autre étudiante.

- Noctis, comment as-tu pu ... Mmh, bon d'accord. Pas besoin d'un dessin. Noctis retint un soupir d'exaspération. Comment pouvait-elle croire ceci ? L'air désolé, le surveillant observa la porte se fermer. Des sanglots perçaient le bois misérable qui servait de pivot.
- Hum ... Je crois que vous avez un petit problème vous et elle ... Vous pourriez peut-être enlever mon heure de colle ... Et moi, j'enlèverais de ma tête tous ce que je viens de voir ... Noctis observa Anju ... Avant de sourire. Un sourire sarcastique, relevant à peine le coin des lèvres fines et pâles du jeunes, homme, mais perceptible de loin. Qu'est-ce que cela pouvait leur apporter de savoir ce que le lycée dira ? Il le sait déjà. Noctis contourna le bureau, passa à coté de la jeune fille sans lui lancer un regard. Il posa la main sur la poignet, sans l'actionner. Son regard sombre tomba dans celui d'Anju.

- Le chantage ne marche pas avec moi. Tu auras ton heure de colle, que tu le veuille ou non. Quoi si je ne l'enlève pas ? Tu le diras à tout le monde, n'est-ce pas. Seulement ... Tout le monde sait déjà pour nous. Chaque jour, on a notre lot de railleries, alors on peut survivre, même si on en rajoute ... Noctis ouvrit doucement la porte pour ne pas renverser Aya. Doucement, il la prit dans ses bras, et l'assit sur sa chaise. Il n'y a que deux chaises ici, et Anju occupait la première. D'ailleurs ...
- Je pense que tu ne saura jamais le nom de cette blondasse comme tu dit, mais si ça te reviens, parles-en au surveillant de garde. Même si c'est souvent moi et que tu ne voudras surement plus revoir tellement mon visage. Tu peut t'en aller.

- Bien ... Ne régler pas trop vite votre problème ... Histoire que je vous fasse regretter de m'avoir coller ... Son sourire avait tout de malfaisant, mais Noctis planta son regard sur la lycéenne jusqu'à ce qu'elle sorte de la pièce. Ceci fait, Noctis alla et ferma la porte dans un grincement sinistre. Cette histoire risquait d'aller loin ... Très loin si Aya était encore mineure .... Le surveillant pivota raidement vers l'étudiante. Celle-ci le fixait, son air désolé en disait long. Noctis s'avança lentement, fit tourner la chaise libérée par Anju et s'assit face à Aya, penché en avant, coudes sur genoux, mains ballantes. Un silence s'installa, lourd, écrasant. La voix de Noctis se fit douce et caressante, rassurante en somme. Même si au fond de lui-même, le jeune homme aux cheveux bleutés l'était moins, rassuré ...

- Aya, je t'en prie, dis moi que tu as la majorité ...

-J'ai mes 19 ans le 22 avril ... Noctis soupira doucement, soulagé. Déjà ça de réglé, il n'écopera pas de la prison pour détournement de mineur. Mais leur relation n'en reste pas moins surement interdite d'après le règlement intérieur du lycée. Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Noctis. Fidèle à elle-même, la voix d'Aya gardais ses nuances sucrées. Bon sang, quel anniversaire. Noctis ne se rendit même pas compte qu'il avait murmuré ses pensées. Lentement, le jeune homme releva les yeux vers Aya, croisant son regard bleu métallique. Doucement, la main du surveillant se leva, et caressa avec tendresse la joue rose de la lycéenne assise en face de lui. J'ai déjà vu cette arme deux fois auparavant, et j'ai laissé passer. La voix de Noctis, voilée, démontrait tout son sérieux, sans pour autant être dure. Je devrai te renvoyer pour ça, mais je te confisque ton arme, et tu auras deux heures de colle ... Noctis ne pouvait se résoudre à ne lui confisquer que son arme. Déjà que ne pas la renvoyer relève d'un injustice, alors ne pas la coller serai encore plus gros. Trop pour que le surveillant puisse tout calmé. Il tendit alors la main, attendant le revolver. Ne t'inquiètes pas, personne ne le touchera, lui souffla son aimé.

Aya se renferma. La perspective de donner son arme, même à celui qui l'aime et qu'elle aime réciproquement ne l'enchantait pas du tout. Son visage reste impassible et froid, et Noctis se retint d'observer sa main allant chercher l'arme. [ x) ] Son souffle atteignit le visage de Noctis, qui lui sourit pour la rassurer. Il n'allait pas la garder sur lui ... Souplement, le surveillant se leva, ouvrit un tiroir sur bureau, mit le revolver à l'intérieur, et ferma silencieusement le tiroir. Aya s'apprêtait à se lever. Elle semblait encore plus fâchée qu'en arrivant. Et Noctis le voyait mal. Contournant à nouveau le bureau, le surveillant se mit devant la lycéenne pour l'empêcher de passer. Quelle journée, vraiment ... Le pire jour de l'année pour le jeune homme doit empirer encore ?

S'il te plait Aya, ne soit pas fâchée ... Depuis 17 ans que cette journées est un véritable enfer pour moi, j'ai pas envie de la rendre pire encore en m'énervant avec toi ...

Son baiser, empli de tendresse, coupa brièvement le souffle de Noctis. Autant de tendresse, il n'y avait qu'elle pour faire ça. Sa voix avait perdu la provocation dont elle était habituellement teintée. Elle était douce, chaleureuse. Mais aussi perdue. Je ne te poserais pas de question sur ton passé, tu l'as fait pour moi et on s'est disputés... Je ne veux pas te perdre encore une fois ... Noctis prit alors les devants. Elle devait savoir ce qui s'était passé. Le cœur de Noctis ne pouvait plus supporter ce poids. Cet empressement qui le sert depuis à présent dix-sept ans. Brusquement, mais avec douceur, Noctis prit le visage de la lycéenne en coupe dans ses mains, et pressa tendrement ses lèvres fraiches sur celles d'Aya, chaudes et féminines. Relâchant la pression, détachant leurs lèvres, le jeune homme posa son front contre celui d'Aya, mêlant ses cheveux noirs aux reflets bleus à ceux, blonds clairs de la jeune étudiante. Leurs regards s'accrochèrent, Noctis ne le détacha pas lorsqu'il débuta son récit souffler à mi-voix, pour éviter que celle-ci ne casse.

Il faut que je le dise enfin Aya, et il faut que tu le sache. J'aurai du en parler, j'aurai du me confier il y a trop longtemps. Je te connais, mais tu ne me connais pas. C'est égoïste. La voix de Noctis s'essouffla, se fit encore plus grave, moins forte. Le jour de l'anniversaire de mes six ans, trois hommes se sont introduits chez moi. Ont coupés l'électricité pour tuer tranquillement mes parents. J'avais un frère, trois ans plus âgé que moi. Lorsque la lumière est revenue, deux d'entre eux nous ont cerclés. Le troisième hommes nous posait des questions, auxquels on ne comprenaient rien, on ne pouvait répondre. Ils serraient leurs bras, encore et toujours plus fort. Un craquement d'os et un dernier souffle. Mon frère était mort étouffé. Des larmes menaçaient de déborder. Noctis baissa le regard, gardant son front contre celui de sa bien aimée C'ets là que je me suis transformé pour la première fois en corbeau. J'ai fuit, fuit mes racines, fuit cette vision de trois corps qui était ma famille. Je suis resté treize années enfermé dans le corps d'un oiseau, pour tenter d'oublier. Mais j'ai fini par trouver un oncle. Qui m'a accueilli un moment, avant que je ne parte à nouveau. Pour ici. Les larmes s'écoulèrent sur les joues pâles de Noctis. Ses yeux se relevèrent, dévoilant une couleur plus belle encore, celle de l'azur délavé par des larmes de rage et d'une tristesse enfouie depuis trop longtemps Cela s'est passé il y a dix sept ans, jour pour jour, heure pour heure. La sonnerie retentit, stridente, sonnant bruyamment la fin des cours. Et la fin du bonheur de Noctis, lorsqu'il n'était encore qu'un enfant de six ans.

Noctis sentit des bras fins l'enlacer, les serrer contre le corps d'Aya. Des lèvres sur sa joue creusée par des larmes de tristesse et de haine, qui ne cessait de couler, obstruant facilement la gorge de Noctis, qui n'arrivait plus à souffler un mot.Alors que la lycéenne lissait ses cheveux noirs bleutés, le surveillant l'enlaça, se serrant contre elle pour avaler, se coller à cette douceur. Viens dormir dans mon lit ce soir ... A nouveau, la provocation naquit dans l'expression d'Aya, côtoyée par de l'amour et une pointe de désir. Dans le langoureux baiser, Noctis sourit, le flot de larmes salées se tarissant peu à peu. Lorsqu'enfin, plus une larme ne dévalait son visage pâle, le jeune homme rompit le baiser, pour poser son front contre celui de son amour.

D'accord, je viendrais ... En attendant, finit ta journée ... Je te rejoins lorsque tes heures de colles seront passées. Une pâle grimace sur le visage, Noctis se redressa pour embrasser Aya sur le front. Sa ira vite ...

Un frisson déclenché par une caresse précise d'Aya coupa brièvement le souffle au surveillant aux cheveux noirs bleutés. Délicieux, comme toujours ... Son baiser ferma les yeux de Noctis, qui leva la main pour glisser ses doigts dans les courts cheveux batailleurs d'Aya. Mais la lycéenne rompit le baiser, et reprenant son sac, se dirigea vers la porte. Tel Daphnée et Apollon. Daphnée, nymphe aux cheveux d'or, fuyant Apollon, fou amoureux d'elle. Sans le savoir, ni le vouloir, la nymphe attire irrésistiblement le dieu, lui faisant à demi perdre la raison. Aya devait quand même bien se rendre compte du désir qu'éprouvait le jeune homme à son égard ? C'était si fort ... Malicieusement, alors qu'elle allait sortir, elle se ravisa, laissa tomber son sac, pour se blottir dans les bras de son tendre. L'entourant de ses bras protecteur, Noctis se laissa embrasser sur le nez, n'eut pas le temps de lui rendre l'effleurement de ses lèvres, et tendit le cou pour recueillir un dernier baiser. En un coup de vent l'étudiante était partie. Noctis soupira. Peut-être que ... Secouant la tête, il sortit cette drôle d'idée de sa tête, et remarqua un bout de tissu. Une sorte de foulard. Fronçant les sourcils, Noctis le prit, et l'observa. Une légère odeur en flottait. Frémissement. Elle l'avait fait exprès ou pas ? Un sourire amusé naquit sur le visage de Noctis, un sourire rare en cette journée du 28 février. A quoi tu penses ?... Lentement, le surveillant s'assit derrière le bureau, exaltant de cet étrange silence. Quelques élèves passèrent encore jusqu'à dix-neuf heures. Bientôt le couvre-feu. Les cours de soutien étaient terminés depuis une heure, tout les demi-pensionnaires sont partis, les internes retournent dans leurs dortoirs, pour certain après avoir écoper de deux heures de colle ... La sonnerie, un peu plus faible que durant la journée, retentit. Tout se terminait. Un sourire aux lèvres, Noctis prit sa veste en cuir, l'enfila, et sortit du bureau. Alors que le surveillant commençait tranquillement son tour de garde, il fit lentement tourner le morceau de tissu bariolé dans sa main. Mmh, il avait quelque chose à rendre ...

[ On bouge ? ^^ ]